Le bassin de Saint-Etienne fut en France le berceau de l'exploitation de la houille et la ville lui doit en grande partie son essor du XIXe siècle.
L'utilisation du charbon, le " charbon de terre ", est mentionnée dès le XIVe siècle. Au siècle suivant, en Europe, il n'y a guère que dans le centre de la France et aux Pays-Bas, puis en Angleterre sous Elisabeth Ier que cette industrie prend son essor.
Le charbon est alors employé essentiellement pour chauffer les fers à forger et, à Saint-Etienne, pour la consommation locale. Sa présence est ainsi directement liée à l'essor de la métallurgie.
Au XVIIIe siècle, le charbon devient l'élément moteur de la Révolution industrielle. Précédé dès 1750 par Rive-de-Gier, le bassin stéphanois commence véritablement son exploitation au tout début du XIXe siècle. La région stéphanoise va fournir la moitié de la production nationale, avant d'être rejoint par le bassin du Nord.
Une exploitation minière dans la
région stéphanoise au milieu du XVIIIe s.
(d'ap. Jean-Louis Alléon-Dulac, Mémoires pour
servir à l'histoire naturelle des provinces de Lyonnais, Forez et Beaujolais,
Lyon, Cizeron, 1765)
La création des premiers chemins de fer français à Saint-Etienne est directement liée à la nécessité de transporter le charbon vers le fleuve Loire pour son exportation vers le nord de la France.
Les nouvelles lois minières, dès 1810, favorisent la constitution de solides entreprises, appuyées par l'intervention d'ingénieurs formés à l'école des Mineurs.
La production, favorisée par le développement de la machine à vapeur, augmente régulièrement, passant de 365.000 tonnes en 1816 à 4 millions de tonnes en 1873.
La constitution d'un prolétariat minier donna à Saint-Etienne un visage nouveau, les activités industrielles traditionnelles (textile, petite métallurgie) conservant leur structure de production en ateliers où les liens étroits entre compagnons et maîtres favorisaient le conservatisme.
L'Apprenti (1903)
Statue bronze - Paul-Roger Bloche (1865-1943)
Dépôt de l'Etat
Face aux terribles conditions de travail nées d'une industrialisation anarchique - de 1871 à 1890, le grisou fit plus de 600 victimes, en particulier dans les puits Jabin et Verpilleux - s'imposa un important mouvement ouvrier, notamment par la création en 1869 de la société de secours mutuels " la fraternelle des Mineurs " par Michel Rondet, préfigurant l'organisation d'un véritable syndicat. C'est ainsi à Saint-Etienne qu'est créée en 1883 la Fédération nationale des Mineurs, ancêtre de l'importante Fédération CGT du sous-sol.
Au formidable enrichissement que procurait la Révolution industrielle pour une minorité s'opposaient avec violence la dureté des conditions de travail et la brutale répression contre le mouvement ouvrier, de la fusillade du Brûlé, en 1869, qui fit 13 victimes parmi les familles de mineurs à la grande grève des mineurs en 1947. L'apparition de nombreux réseaux de solidarités révèle l'importance politique et culturelle d'une classe ouvrière d'ailleurs influencée par l'Eglise, malgré un sentiment profond en faveur de la République sociale.
Si la crise de 1880 - 1890 frappe la Mine comme les autres activités, la première guerre mondiale porte la production à 5 millions de tonnes en 1918 et le nombre de mineurs de 20.000 en 1914 à 28.000.
Le formidable développement industriel de Saint-Etienne au XIXe siècle entraîne, dans tous les secteurs d'activité, mais essentiellement dans la Mine, l'appel à une nombreuse population immigrée, d'abord issue des campagnes environnantes, notamment de la Haute-Loire (depuis le début du XIXe siècle) mais aussi d'Alsace et surtout de Pologne, d'Espagne, d'Italie puis du Maghreb.
Lampe de sûreté Davy, modèle stéphanois (milieu XIXe s.)
Mais entre-deux-guerres, la production régresse et l'exploitation se modifie par la création de nouveaux puits atteignant des couches plus profondes (Couriot, Pigeot, Charles). En 1932, la production est retombée à 3 millions de tonnes.
L'arrivée de nouvelles énergies, la disparition des couches les plus rentables justifient les politiques économiques nationales privilégiant l'importation du charbon, ce qui aboutit à la fermeture du bassin en 1983.
Mais comment effacer des mémoires les quelque 3.000 morts "au fond " de 1817 à 1899 - et bien d'autres encore au XXe siècle - ou les vies abrégées et gâchées par la silicose et les accidents du travail ?
Saint-Etienne est le seul exemple français d'un développement de l'activité minière au coeur même d'une grande ville. Du paysage urbain spécifique que cette activité avait créé, il ne subsiste que peu d'éléments évocateurs. Le visiteur contemporain aura peine à retrouver, si ce n'est dans la toponymie, l'emplacement des quelque 192 puits, pour la plupart construits au XIXe siècle, dont ne subsiste qu'un chevalement, celui du puits Couriot, exploité à partir de 1912, dominé par deux imposants terrils (" crassiers ") et transformé en musée.
En revanche, tout comme les autres industries, la mine a laissé son empreinte dans des quartiers spécifiques (Chavassieux, le Soleil) dont les maisons ouvrières, à l'architecture peu "valorisante", ont peu de rapport avec l'imagerie traditionnelle des cités minières, qui fait référence aux corons du Nord de la France.
Voir aussi : réutilisation des espaces laissés vacants par l'industrie minière (carte, atlas permanent de la région Rhône-Alpes).
En-tête : transport du charbon à Saint-Etienne à la fin du XIXe s. (anonyme).
© 1996 / Ph. Chapelin / AVSE
Ces pages peuvent être copiées librement pour tout usage personnel
ou éducatif.